Pourquoi les musiques traditionnelles ?

Dans la langue française, l’appellation “musiques traditionnelles” est souvent vue comme une opposition à ce qui est moderne et renvoie au passé et au patrimoine. Il s’agit pourtant des musiques issues du peuple (et non connues du peuple via les procédés de diffusion massive des musiques commerciales).

“Cette chanson est traditionnelle en ceci qu’elle a été confiée, principalement à la mémoire. Elle s’est perpétuée par transmissions successives, la plupart du temps purement orales, s’étendant assez souvent sur plusieurs siècles et un nombre élevé de générations.”

Jean-Michel Guilcher

Dans les faits, chaque génération filtre, crée et délaisse. Les musiques traditionnelles se renouvellent en permanence en fonction de la capacité des musicien.nes qui les maîtrisent à (re)créer quelque chose de neuf sur le moment. Elles permettent un lien avec le corps, la plupart des musiques traditionnelles étant faites pour danser ou accompagner les mouvements dans le travail ou la vie quotidienne, mais aussi parce que les timbres vocaux et instrumentaux qu’elles requièrent ne gomment pas l’origine organique du son. Elles touchent au sens propre et permettent un partage sensoriel de la musique.

Le fait que la transmission du répertoire de chaque communauté culturelle utilise l’oralité rend la pratique de ces musiques accessibles à toutes et tous sans apprentissage préalable du solfège et de la théorie musicale. Cela ne veut pas dire qu’elles sont pour autant non savantes, mais elles font appel à un savoir de l’expérience et de l’imprégnation, de l’échange et de la pratique contextuelle. Elles permettent aux personnes qui les reçoivent de développer sur le vif leur “sens musical”.

« Si nous établissons que le sens de la musique est une caractéristique universelle spécifique de l’espèce humaine, nous serons en mesure de montrer que les humains sont encore plus remarquables que nous le croyons actuellement – et pas seulement quelques-uns mais tous et que la majorité d’entre nous vit en dessous de ses possibilités à cause du caractère oppressif de la plupart des sociétés. »

John Blacking, How musical is man, 1974

Toutes ces spécificités des musiques traditionnelles nous servent d’appui, de point de départ, pour proposer une démarche artistique qui prend en compte les richesses des héritages culturels liés à l’oralité tout en invoquant la force de (re)création inhérente à ces musiques.